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Combien ça coûte de se séparer?

Les séparations coûtent de plus en plus cher.

CHRONIQUE / Ce n’est pas un courrier du cœur, ici, ni un service de médiation, je reçois rarement les confidences de couples qui battent de l’aile. Sauf lorsqu’il s’agit d’évaluer la facture d’une éventuelle séparation, et ce n’est pas arrivé souvent. Les doigts d’une main estropiée.


Il n’y a pas de réponse précise à cette question, sinon celle-ci, toute bête : c’est cher. De plus en plus cher, en fait. Règle générale, le coût est proportionnel à la durée de la relation qui a précédé la rupture et aux actifs accumulés pendant ce temps. Avec les années de vie commune, il se produit une fusion financière, elle commence par l’achat d’une propriété et la naissance des enfants. Démêler tout ça comporte un prix insoupçonné.

À cet égard, je vous recommande La facture amoureuse, de Pierre-Yves McSween et Paul-Antoine Jetté. Les deux comptables ont exploré le sujet dans les moindres coutures dans presque 400 pages, inutile de vous dire que ce n’est pas le genre de lecture qui chatouille dans le bas-ventre. On ne sera pas tenté par ce livre au début de sa relation amoureuse, et quand celle-ci commence à s’étioler, l’apparition de ce bouquin sur la table de chevet risque d’empirer les choses. Paradoxalement, le meilleur moment d’y plonger, c’est en période de célibat. Fin de la plogue.

À lui seul, l’enjeu de l’habitation représente un véritable casse-tête financier. Les valeurs de l’immobilier ont tellement gonflé ces dernières années, le rachat de la moitié de la maison par un des ex-conjoints constitue souvent un défi insurmontable, et l’acquisition d’une nouvelle propriété par l’autre ex ne l’est pas moins. Sans compter la taxe de mutation, l’achat d’électroménagers et de meubles, et le reste… C’est comme repartir de zéro.

Là, je m’écarte un peu, car la question que j’ai reçue est plus spécifique. Et encore, ce serait plus juste de dire que le lecteur Benoit exprime sa surprise plutôt qu’une interrogation. Il s’étonne que «même» le régime de rente du Québec (RRQ) doive faire l’objet d’un partage en cas de séparation. On lui a appris ça récemment.

Ne partez pas en peur, vous autres! Comme c’est le cas avec tous les autres régimes de retraite, incluant le REER, la répartition des sommes accumulées dans le RRQ ne s’applique qu’en cas de divorce, donc pour les gens mariés, ou à la dissolution d’une union civile, donc chez les conjoints de fait ayant signé un contrat. (Sans contrat, des conjoints de fait peuvent convenir d’un commun accord de répartir leurs droits.)

Les Québécois s’accotent pour la plupart, on le sait bien, ce qui fait que la question concerne la minorité de couples.

Sachant qu’un mariage sur deux se conclut par un divorce, ça fait quand même du monde, plus qu’il en faut pour remplir le Centre Vidéotron pour quelques matchs des Kings de Los Angeles.

Je devine que le lecteur Benoit en fait partie (pas des Kings, mais des gens mariés), puisqu’il n’a pas précisé s’enquérir pour un ami. J’irais jusqu’à dire que son couple a déjà connu ses meilleurs jours, ce n’est pas le genre de question qui nous taraude quand les papillons bougent encore.

Lecteur Benoit, vous êtes donc bien informé. Les droits accumulés durant le mariage dans un régime de retraite font partie du patrimoine familial, lequel est partageable au moment du divorce. Le RRQ ne fait pas exception.

Comment ça fonctionne dans ce cas? Ce n’est pas sorcier. Comme vous le savez, la rente future du RRQ est calculée selon les revenus de travail admissibles (entre 3500 $ et le maximum des gains admissibles – 66 600 $ en 2023) gagnés durant la carrière.

À la suite d’une rupture, Retraite Québec additionnera les revenus admissibles des ex-conjoints pour chacune des années de mariage, et il divisera le total en deux parts égales. Les revenus «cotisables» inscrits au dossier de chacun des divorcés durant les années de mariages seront identiques.

L’opération n’aura pas d’incidence sur la rente de retraite si les deux frayaient dans les mêmes eaux sur le plan salarial, ou s’ils conviennent après 18 mois que ce n’était pas l’idée de siècle, ce mariage à Vegas décidé sur un coup de tête. Si un écart de revenu important séparait les époux durant plusieurs années, l’impact sur la rente future de chacun sera toutefois plus que perceptible, à la hausse pour l’un et à la baisse pour l’autre.

Il n’y a donc pas de transfert d’argent immédiat en ce qui concerne le RRQ.

Insistons : seules les sommes accumulées durant l’union feront l’objet d’un recalcul. Quelqu’un qui convolerait en noces après avoir commencé à recevoir sa rente ne verrait pas celle-ci affectée à la suite d’un divorce, car les cotisations au régime ont été faites à l’extérieur du mariage. Ça vaut pour les autres types véhicule d’épargne-retraite.

Puisqu’on y est, parlons-en. Qu’il s’agisse d’un régime à prestations déterminées (PD) ou régime à cotisation déterminée (CD), les droits accumulés durant le mariage sont aussi partageables à 50 %, mais dans ce cas, la répartition sera effectuée après la séparation. Un des conjoints verra donc sa cagnotte ou sa promesse de rente réduites et l’autre se retrouvera avec une somme à investir dans un compte de retraite immobilisé (CRI).

C’est la même chose dans les cas des REER, les montants épargnés avant l’union sont exclus du patrimoine familial, mais pas les rendements réalisés sur ces sommes pendant le mariage. Pour s’assurer que les ex-conjoints ne se disputent pas les parts de REER accumulés avant qu’ils forment un couple, mieux vaut la laisser dans un compte distinct.

On pense rarement à ces précautions quand on nage dans l’amour, mais on sera heureux de les avoir prises si ça tourne au vinaigre.

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